Vivre à Puygiron
Sans doute avons-nous besoin de vide, d’espace physique et mental pour nous sentir bien, capable de grandir, de nous développer, d’avancer dans la réflexion sur le monde qui nous entoure et sur notre propre destin. Souvent c’est un détail de la vie qui amène à nous poser des questions importantes. En l’occurrence c’est la photo de Puygiron qui ouvre ce Giron, une photo des années passées avant que les arbres ne poussent, avant les modifications du paysage. Il se trouve que par rapport à cette photographie et ce qu’on y voit de l’espace, si ce dernier s’est modifié, la modification s’est faite dans un bon sens : des arbres ont poussé, plantés par la main de l’homme, des buissons, des arbustes ont prospéré. Ce qui est redoutable c’est le bétonnage du vide, l’encagement de l’espace entre des murs. On ne peut éviter d’y penser. On sait que la population augmente, que la terre se remplit, que les villes mangent les campagnes devenant à leur tour des villes. Dans certains romans et films d’anticipation comme 1984 de Georges Orwell la nature n’existe plus, et l’on projette aux enfants les images de ce que fut le monde autrefois avec ses arbres et ses oiseaux. Certes, la nécessité de « lotir » n’est pas à mettre en question. Les fils veulent vivre près de leurs pères ou bien le citadin a besoin de grand air. Mais bientôt il n’y aura plus de grand air et les fils devront s’adapter à la vie dans les cités loin des bocages et des champs. Aussi ce qui paraît être une entreprise irréversible doit-elle être soumise à la plus grande vigilance de tous. Combien d’espace peut-on céder aux lotissements, combien d’arbres est-il raisonnable d’arracher pour que nos enfants et petits-enfants n’aient pas à se programmer des voyages exotiques pour découvrir le silence, l’horizon, les champs de maïs et de lavande, les bois de chênes où se cachent les sangliers et les chevreuils, toutes choses, plantes et animaux, qui semblent acquises de toute éternité. On ne mesure jamais assez, à temps, combien un geste, une décision hâtive peuvent entraîner de conséquences négatives pour la qualité de la vie complètement liée à celle de l’environnement lui-même tellement dépendant des décisions humaines. C’est être pragmatique que de tenir compte de l’ensemble des besoins des hommes et des femmes, en se projetant dans l’avenir d’un village, d’un pays, d’une planète à protéger d’un développement brutal. Il y a certes des incompatibilités fondamentales mais on n’a pas d’autres solutions que d’essayer de résoudre ces mêmes incompatibilités en cherchant des solutions honnêtement et intelligemment. Parfois, dans ces dispositions d’esprit, on y arrive.
Nicole de Pontcharra