En hommage à Francis Gay qui sera inhumé ce jour 9 novembre 2016 au cimetière de Puygiron. C'est avec émotion que nous republions cet article écrit en 2002.
Qu'il repose en paix !
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Est-ce une vocation du bonheur qui donne sa sérénité à Francis Gay qui comme tout un chacun n’a pas eu une vie exempte de soucis ? Qu’est-ce qui fait de lui une figure de Puygiron, quelqu’un que l’on se plait à croiser sur les chemins ou dans le village, visage hâlé, toujours souriant et affable ? Une force, un amour de la vie et des autres gouverne sa personnalité et rayonne autour de lui. Cela vaut la peine de s’y arrêter car on a besoin dans la vie sociale d’êtres clairs et bienveillants, ayant conscience des privilèges accordés à l’homme quand il vieillit dans un bel environnement, entouré des siens, gardant sa vigueur intellectuelle et physique. C’est une sorte d’honnête homme comme la campagne a pu en produire et dont des auteurs comme Pagnol ou Daudet ont su montrer la qualité et l’originalité.
Né à Puygiron en 1931 il se souvient du village avec peu d’habitants, de la pureté du paysage et de la dure vie des cultivateurs attachés aux soins des animaux qui ne leur laissait jamais de répit. Dernier d’une famille de six enfants il garde de beaux souvenirs de l’enfance, une enfance heureuse même si la vie manquait de confort et si son père cantonnier travaillait durement. Les chemins à entretenir, le jardin, les volailles pour nourrir la famille. C’est même à cause de la dureté de ce travail autour de lui que très tôt il s’intéresse au progrès, y voyant un allégement possible des charges qui pèsent sur les paysans. A la fois très terrien dans ses goûts, sensible à l’environnement il voit arriver les premiers tracteurs avec enthousiasme. Il y croit, il veut en connaître les mécanismes, tout savoir de ces engins superbes, qui entrent dans son champ de vision quand Léon Viel, notable du pays, achète son premier Fordson. « Je ne pensais plus qu’à ça, j’avais quinze ans et je sentais naître quelque chose qui ressemblait à une vocation »
Francis sourit en évoquant ses souvenirs : « Le temps passe trop vite, j’ai encore tant de choses à faire... »
Photo C. P.
Nous sommes installés autour de la table avec Yvette, sa femme, entre les murs de la belle demeure de pierre qui cache des trésors d’architecture, voûtes, cheminée à anse de panier, pierres sculptées. Une maison forte, la Grange, sur la route de Rochefort dont ils apprécient tous les deux l’espace et les volumes. Il raconte comment en 1955 sa passion des tracteurs et de la mécanique le pousse à ouvrir un garage à Montboucher. C’est la fin des attelages de bœufs si bucoliques et les tracteurs affluent dans les campagnes. Les années passant les tracteurs se succèdent et souvent disparaissent, cela désole cet amoureux des moteurs et des carrosseries. Il va les racheter ou les récupérer pour leur redonner une jeunesse et les conserver. « C’est ainsi que je suis devenu une sorte de collectionneur. Pour que le passé ne s’oublie pas et que ces pièces qui sont comme des œuvres d’art témoins d’une époque puissent être vues par d’autres hommes après moi » Peut-on dire que l’agriculture l’intéresse ? disons oui, par le biais des tracteurs. Francis Gay cultive ce qui lui reste de terre avec beaucoup d’amour. Maintenant que son fils Claude a repris le garage où les voitures sont plus nombreuses que les tracteurs il lui plait de vivre dehors, au rythme des saisons, de creuser de petits lacs en réunissant des sources pour y élever des carpes, pour le plaisir de les voir grossir, sauter à l’approche de la main familière et faire ainsi le bonheur de ses petits enfants. Il n’est pas chasseur et s’émerveille devant une mère perdrix mettant à l’abri ses perdreaux dans les maïs. « Je ralentis quand je suis en train de moissonner pour ne pas les écraser. J’aime autant manger une pintade que tuer une perdrix ! »
Son éducation s’est affinée à travers les conversations avec les adultes de Puygiron qui s’intéressaient alors aux adolescents, Joseph Viel et le Comte Fernand de Pontcharra. Il souvient aussi d’autres moments, avant que la télévision n’envahisse les foyers, des veillées d’été sur le banc du village. Il évoque Paul et Lévy Rey, le père Cantin. « On avait alors besoin les uns des autres, on s’entraidait »
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Nous sommes allés voir les tracteurs pour lesquels il a construit des abris : "Ils sont vivants". Et il égrène leurs marques, Fiat, Vandœuvre, Mac Cormick, Soméca… comme il le ferait pour des chevaux de course. Une vingtaine d'engins à entretenir, soigner. On visite le site comme un musée de plein air. Un homme tranquille qui ne connaît pas l'envie et mesure chaque jour la chance d'avoir des enfants et des petits-enfants. Son petit-fils Thomas est déjà un amoureux des tracteurs, ses petites-filles sont belles, tout le monde aime venir à la Grange, il espère que tout cela va continuer longtemps, nous aussi !
N. P.
Publié dans Le Giron n° 3 (septembre 2002)