Puygiron – Chapelle Saint-Bonnet
Morice Viel, célèbre écrivain local bien au courant de l’histoire des monuments de son village natal, présentait au siècle dernier Saint Bonnet comme une ruine dont la mousse envahit le toit. « Il n’y a là ni chapelles latérales, ni coupoles ni tourelles ; mais les proportions sont si bien gardées en tout, la voûte est si imposante et si gracieuse, l’esprit du Moyen-âge est si profondément empreint dans chaque détail d’architecture, qu’on ne peut s’empêcher d’admirer et d’être ému. Bâtie en pleine campagne elle n’a cédé que vers 1770 le titre d’église paroissiale à la chapelle St Jean-Baptiste, placée au centre même du village, ancienne chapelle du château, discordante, étroite, humide, privée d’air, sans style connu, n’ayant de valeur que par les souvenirs qui s’y rattachent… »
Cette dernière qui se situait à l’emplacement de l’actuelle mairie a été remplacée depuis 1867, alors que l’extraction de la pierre était florissante à Puygiron, par une église neuve en style roman, construite aux frais des seuls habitants et sur les plans du Général Chareton.
Aujourd’hui, grâce à la bonne volonté des habitants, Saint Bonnet, s’il n’a pas retrouvé ses fastes d’antan, présente un aspect plus accueillant, mais l’émotion que décrivait M. Viel est toujours partagée par le visiteur.
Chapelle romane, datant du XIIe siècle, elle faisait partie d’un ancien prieuré à l’époque carolingienne, édifié lui-même sur le site d’une ancienne villa romaine. Un chercheur puygironnais, M. Guenzer, y a trouvé au début du siècle, entre autres objets, un vase qui aurait été expertisé comme carolingien par sa facture et sa décoration. Les fouilles conduites en 1981 et 82 par Michèle Bois, archéologue, ont confirmé l’existence d’un habitat jouxtant l’ancien prieuré et qui fut le premier village médiéval de Puygiron, abandonné lors des troubles du XIVe siècle par ses habitants qui se réfugièrent sur le « Puy » sous la protection du château médiéval.
L’histoire de ce site reste obscure, à défauts d’écrits seuls ces vestiges archéologiques nous ont permis de mieux connaître ce qu’a pu être la rude vie de ces premiers occupants de Saint Bonnet. Son emplacement semble avoir été guidé par la présence de sources et un éloignement raisonnable des grands axes de circulation, à l’abri des bandes inorganisées qui parcouraient alors les campagnes.
La chapelle romane de Saint Bonnet est d’une architecture simple, presque sans ornements et d’une facture assez grossière. La façade ouest porte une corniche en pierres sombres provenant de l’Ardèche, maladroitement posée et dont les sculptures (rosaces, palmettes stylisées, oves et entrelacs) ne forment pas un ensemble cohérent. Selon une tradition orale cette corniche aurait été utilisée en réemploi et proviendrait du prieuré primitif.
Cette façade est témoin de malheurs successifs. Mais faute d’écrits, le seul élément datable est la transformation en 1707 de la belle entrée romane en un accès plus étriqué qui permit entre autre l’installation d’un bénitier.
Autres avatars visibles : les traces d’un incendie qui a rougi le mur de façade, base de la partie nord-ouest refaites en pierres soignées, de petit appareil, grande fente partant du faîte jusqu’à la porte ; surhaussement extérieur de la nef unique, très visibles dans les chaînes d’angle de la façade et dans le caractère rudimentaire du rejointoiement en haut et à gauche.
A l’intérieur se remarque tout d’abord l’abside semi-circulaire voûtée « en cul de four » vers le levant ; puis la travée du chœur, plus élevée que les trois travées de la nef et qui fait office de transept. Des quatre colonnes d’angle seules deux subsistent portant des chapiteaux sculptés.
Au sud-ouest du transept, un escalier à vis permettait d’accéder au clocher aujourd’hui disparu. Cet escalier à vis présente l’originalité d’être doté d’une chemise en voûte, voûte dite de « Saint Gilles », alors que la plupart des escaliers à vis en France laissent apparaître leurs marches. Seuls quatre escaliers à vis en France présentent ces mêmes caractéristiques. Face à l’escalier un évidement dans le mur permettait des rangements ou était l’amorce d’une éventuelle sacristie.
Entre la travée du chœur et celle de la nef, l’arc triomphal repose sur deux sculptures représentant deux petits atlantes accroupis qui le soutiennent.
Enfin l’autel roman primitif, longue table de pierre monobloc, avec pierre d’autel sculptée, est actuellement dissimulé sous un bâti destiné à soutenir un magnifique retable qui surprend dans cette chapelle authentiquement romane*.
Jean Fabre, Puygiron 1991
*Elle a été inscrite à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 25 juin 1925. (NDLR)
Le Tabernacle de Saint Bonnet
Classé parmi les Monuments historiques, le tabernacle en bois doré du XVIIe siècle de Puygiron est une pièce exceptionnelle. Son état de conservation a impliqué des travaux de restauration conséquents réalisés par l’atelier de M. Haddad à Avignon. Après avoir été déposé, traité et consolidé, des éléments perdus ont été reconstitués afin d’être réintégrés. Le vernis résineux et les couches de peintures successives ont été dégagés afin de redonner à la dorure et à la polychromie leur aspect original. Un socle a été créé afin que l’ensemble puisse être présenté de manière sécurisée dans l’église paroissiale du village.
Source : http://etudesdromoises.free.fr/pdf/086-10.1992.2.pdf