Fred Benvenuto est né à Montélimar en 1962, il vit et travaille à Puygiron.
« La modernité a trouvé là une de ses stratégies privilégiées : extraire des choses de leur contexte initial pour modifier à la fois le regard porté sur ces choses et les conceptions de l’art. Du reste cette façon de sortir les choses de leur environnement afin de les comparer à d’autres, issues d’environnements différents, est une des méthodes employées par la science, et par la pensée moderne en général, pour accroître le savoir et affiner les concepts.
Kirk Varnedoe[1]
Les premiers objets que j’ai vus de Fred Benvenuto étaient des sièges, des tables, insolites, massifs, du mobilier surprenant posé chez des amis, en fer rond, récupéré le plus souvent, me dira-t-il, plus tard. Aucun meuble ne ressemblant à l’autre. Cela ne pouvait que donner envie de rencontrer celui qui les fabriquait.
Il faut cheminer dans la campagne pour rejoindre la ferme Saint Bonnet, isolée au bout du chemin du bois des pins où s’est installé depuis quelques mois Fred Benvenuto. Il a choisi l’isolement, dans une nature relativement préservée, puisque sangliers et chevreuils viennent encore boire au pied du large saule dans le ruisseau derrière la belle maison de pierre.
D’entrée les objets accumulés sont autant de signes révélateurs d’une quête de toutes les traces concrètes de la créativité industrielle ou artisanale, pièces monumentales ou minuscules, moteur, phare, pied de lampe tourné, décor de verrerie qui attendent d’être réemployés. Il les regarde et il sait que ce qui a été considéré comme un rebut, va prendre nouvelle vie, sens, dans la dynamique de la création.
Il ne se dit pas écologiste. On y pense pourtant. Car il récupère et réemploie. On dira qu’il l’est de surcroît, mais sa démarche ne se limite pas à un souci de sauvegarde d’objets, ni de collection, ni de souci de l’environnement, même si sa philosophie de vie intègre ces valeurs.
Chaque artiste interroge le monde avec ses propres matériaux et ses formes. Fred Benvenuto choisit de prospecter le futur avec les éléments du passé, d’inventer une sorte de lexique du temps où la mémoire alimente la vision prospective.
Les sculptures qu’il fabrique en assemblant des éléments disparates au départ, tuyau, pied de baignoire, vieux fusil, en font oublier la destination première. L’agencement, le traitement des surfaces, définissent une forme finale qui, dans sa perfection, absorbe les lignes de tous les morceaux du puzzle, et l’on voit quelque chose de complètement nouveau, insolite, drôle, poétique, émouvant même.
Il n’a nulle volonté de surprendre mais il surprend par sa capacité à jouer avec les certitudes, à bousculer les pièces du jeu de l’art, à réinventer des règles, somme toute à les détruire, grâce à l’esprit d’enfance qui est en lui, à la liberté qu’il se donne.
L’objet a perdu sa finalité, il est devenu magique et peut se prêter à toutes les combinaisons. Qu’est-ce cette arlésienne, voiture-sculpture à la grâce toute féminine, ou encore cet avion furtif néolithique où l’on a du mal à reconnaître des crânes de sangliers et d’agneaux tant ils sont polis et patinés ?
Fred Benvenuto s’enchante et enchante, refaisant le monde à sa manière. Sans aucun doute ce n’est pas un donneur de leçon mais on ne peut s’empêcher de le suivre là où il nous mène, à reconsidérer ce qui est établi : la beauté, un certain ordre du monde, du temps. Et si tout cela émanait d’une grande exigence ?
N.P.
[1] « Au mépris des règles » par Kirk Varnedoe. Directeur du département des peintures et sculptures au Musée d’Art moderne de New-York, éd. Adam Biro.