Après une carrière militaire de 33 années dont je ne veux rien renier tant le commandement des hommes et le service des armes de la France sont « enrichissants » et facteurs d’enthousiasme et de fierté, je viens de vivre dix belles années d’engagement humanitaire passées à intervenir au profit de populations en détresse, dans les pays en guerre ou en crise ou en post crise, ou frappés par une catastrophe naturelle [1] ; pays dans lesquels on ne voit bien souvent que le malheur, la désolation et le désespoir, dans lesquels la nature s’est acharnée, les guerres ont tout ravagé, dans lesquels la folie des hommes a eu raison de leur différends et ne leur a fait gagner que douleur, tristesse et destruction.
Une devise de famille : « Entoure et Protège », une formation de soldat qui m’a appris que la mission est sacrée et qu’il faut la mener jusqu’au bout, ça aide dans les moments difficiles, pour ne pas baisser les bras… Pourtant on peut parfois être las de voir tant de détresse autour de soi et tant de manque de réactivité de la communauté internationale, alors qu’on tente, autant que faire se peut et chacun a son niveau, d’ apporter une réponse d’urgence à ces populations dans le besoin.
N’est-ce pas sujet d’indignation que de voir les contributions des États alloués à l’aide internationale comparées aux chiffres divulgués à propos de leurs dettes (exprimés en centaines ou milliers de milliards de dollars ou d’euros)
Le terrible c’est que rien ne se termine jamais, c’est que malgré les leçons tirées de l’histoire, celle-ci se répète avec son lot de morts, de tortures, d’atrocités, de malheurs, de maladies, de terreurs, de désespérance.
En 2011 le Haut-commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés célébrait ses 60 ans d’existence, fondé en 1951 après la 2ème guerre mondiale pour aider environ 1 million de personnes déracinées ; Depuis, l’Agence, en coopération avec d’autres organisations humanitaires et de nombreuses ONG, internationales et nationales, a contribué à aider des dizaines de millions de réfugiés et ceux-ci continuent d’être au cœur du mandat… Protection juridique internationale, garantie de leurs droits humains, abris, aide alimentaire, aide médicale, éducation, sécurité physique, dans la dignité.
Les derniers chiffres recensés s’élèvent à environ 15 millions de Réfugiés (considérés comme ayant franchi une frontière) auxquels il faut rajouter 26 millions de personnes forcées à l’exode dans leur propre pays (communément appelés Personnes déplacées Internes), sans compter les migrants économiques (!), tous vivent dans des conditions variées, allant des camps organisés aux centres d’hébergement collectifs, abris de fortune ou « à ciel ouvert » (bien que le ciel semble les avoir abandonnés)…
Je ne dirais jamais assez combien j’ai apprécié la générosité et la disponibilité, le dévouement et les belles compétences de toutes ces équipes de volontaires des Nations Unies comme des ONG, constituées d’une mosaïque de nationalités venues de tous les continents, plongées dans la tourmente et l’insécurité et confrontées à l’indispensable nécessite de faire face avec des moyens limités, témoins à répétition de la souffrance humaine, contraints de s’adapter à de nouvelles cultures et des conditions de vie souvent difficiles et parfois délicates, luttant contre des obstacles apparemment insurmontables sans certitude de résolution satisfaisantes, soumis aux dilemmes résultant de ces situations infernales…, accumulant le stress et les traumatismes dus aux agressions, attaques, kidnapping ou prise d’otage, accidents de véhicules, champs de mines, champs de ruines, blessures par balles, éclats de grenades et d’obus, noyades, coups de chaleur, dysenterie, malaria (paludisme), dengue, choléra, lèpre, fièvres hémorragiques, peste, rage, piqûres de serpents, scorpions, araignées, mouches cantharides... Et autres charmes de « l’exotisme humanitaire » !
Tout cela n’est pas gérable sans l’indispensable nécessite de se connaître, d’échanger, partager, s’accepter, se soutenir, se comprendre communiquer et entretenir les liens, faciliter les contacts, pour atteindre les objectifs, faire reculer la misère et accessoirement vivre ensemble et vivre à fond, vivre utile, bref se sentir vivre.
Travaillant sur le terrain pour l’UNHCR & CARITAS, avec et au contact de nombreuses organisations internationales & ONG, avec les forces armées et les gouvernements, je considère comme un honneur et un privilège d’avoir rencontré ces personnes réfugiées et déplacées dans ces parties du monde ; Cette expérience a changé ma vision des problématiques, des institutions… je crois être devenu meilleur et plus lucide…
J’ai mieux compris les acteurs de l’urgence et du développement, les différentes modalités de partenariat, les structures et le fonctionnement des opérateurs, la qualité et l’évaluation des programmes mis en œuvre sur le terrain, la visibilité et la transparence de la politique humanitaire.
Il reste toujours un immense besoin de promouvoir la culture de prévention, d’accroître les efforts financiers et améliorer les capacités d’analyse et de réponse dans ce domaine de la prévention des crises. Je sais les dangers qui guettent l’action humanitaire (et ils n’ont malheureusement pas changé depuis que je suis arrivé dans son univers)
La relation entre Politique et Humanitaire
La relation entre Militaire et Humanitaire
La définition des moyens pour la sécurité des acteurs humanitaires sur le terrain
« L’imprédictible » c’est le nom que l’on peut donner à ces phénomènes sinistres qui accablent le monde aujourd’hui, les crises se multiplient, les conflits sont devenus plus complexes et les solutions de plus en plus illusoires !
Dans de telles situations qui ne sont que défis, Nous (la communauté internationale) devons comprendre et partager nos responsabilités, nous devons démontrer que nos engagements sont collectifs ; Nous devons réagir plus vite ; Nous devons mettre en place les moyens pour prévenir « l’imprédictible ». Quelle est la réalité de ce à quoi les États se sont engagés ?… « La règle des 4 C » Cohérence, Complémentarité, Coordination et Convergence ?
« Un seul réfugié sans espoir c’est encore un de trop »…Et chaque jour des millions d’entre eux sont victimes de meurtres, de viols, de terreurs.
Il m’arrive de rêver d’harmonie… Le rêve est notre « garde cœur », il faut l’entretenir… sans pour autant cesser de lutter contre l’inattention et l’aveuglement
C’est presque possible dans notre belle France…
Pourquoi pas ailleurs dans le monde, dans de merveilleux endroits comme le Sri Lanka ou le Timor, sur les rivages de ces pays superbes des grands lacs de l’Afrique de l’Est, ou sur les côtes de l’Afrique de l’Ouest, dans les fantastiques déserts de l’Afrique centrale et du Nord, dans les immensités de l’Asie centrale, au pied de l’Himalaya, au milieu de mille collines ou au fond d’une extraordinaire forêt primaire.
Alors restons lucide, soutenons nos équipes de terrains, indignons-nous, soyons généreux mais soyons efficaces !
« Le soldat » vous dit que cela passe par la reconnaissance et la considération, le soutien et la confiance à nos armées et le vote des budgets indispensables à nos interventions…
« L’acteur humanitaire » vous dit que cela va de pair avec la reconnaissance et la considération, le soutien et la confiance à accorder à nos organismes d’assistance (organisations Internationales ou/et ONG) et la mise à disposition des fonds indispensables à l’assistance humanitaire…
Patrice de Pontcharra
Administrateur principal chargé de la coordination de la sécurité pour les opérations et le personnel de terrain
We believe 1 refugee without hope is too many.
Tell the world you do too: http://do1thing.unhcr.org
Pour mieux connaître l'organisation et le fonctionnement ainsi que les opérations et savoir ce que peuvent vivre les réfugiés dans le Monde et le rôle ou le mandat du Haut-Commissariat des Nations-Unies pour ces réfugiés et autres pesonnes déplacées internes ou apatrides, consulter "Youtube UNHCR". Il y a des videos remarquables et par ailleurs nombre d'interventions d'Angelina Jolie qui est une extraordinaire "ambassadrice de bonne volonté" du Haut-commissariat et qui ne manque pas de venir apporter son soutien aussi par sa présence par sa présence sur toutes les zones les plus dangereuses. Voir aussi les minireportages sur la Journée internationale des réfugiés : le World Refugee Day.
[1] Inondation, tremblement de terre, glissement de terrain, tsunami, éruption volcanique, sécheresse