Notre village et le monde
Il y a cent ans l'homme ordinaire ne se sentait pas concerné par la planète, les planètes c'étaient ces mondes inconnus que l'on apercevait parfois de la terre, mais la nôtre de planète restait un univers mental dont on ne se souciait pas en tant que tel. Ce qui importait c'était son pays, sa ville, son village. Le développement des moyens de communications, d'informations, les échanges internationaux commerciaux ou culturels, la pratique politique font que chaque individu est concerné par ce qui se passe sur la planète Terre. Et s'il y a eu une mobilisation de millions de personnes en Europe, en Amérique latine, en Asie pour manifester contre une guerre déclarée à l'Irak c'est bien parce que s'est développée une conscience d'une appartenance à un monde commun dont il faut défendre les valeurs. Sursaut dont on ne peut que se réjouir quand encore tant d'injustices se vivent sous nos yeux. Ne serait-ce que l'existence des sans-abri plus intolérables encore dans les pays riches.
Vient de sortir un petit livre exemplaire publié aux éditions du Félin, La violence du Monde, conférences de Jean Baudrillard, sociologue et philosophe, un de nos plus brillants intellectuels et d'Edgar Morin philosophe et sociologue également, certainement l'un des penseurs humanistes ayant la vision la plus large sur l'homme et son destin. Tous deux s'essayent à "penser la planète". Il s'agit pour eux d'essayer d'acquérir la notion de "citoyenneté commune" qui aidera à faire réagir à tous les problèmes concernant l'homme et la vie de la planète. Car en face du calcul, du profit, de la technique, de la dégradation (y compris celle de la biosphère) il faudrait changer, disent-ils, notre mode de penser. La lecture de ces deux textes alertent et réconfortent car si deux éminents penseurs qui ont également une approche scientifique des problèmes, cherchent des solutions à tout ce qui menace la paix et l'harmonie de l'homme et de sa terre c'est qu'il y a véritablement urgence. Le réconfort vient du sentiment de solidarité que l'on imagine partager avec eux et tous ceux qui dans leur cabinet de travail, dans leur association, dans leur foyer réfléchissent et agissent pour un monde plus juste et une planète respirable. Il n'y a pas d'initiative anodine en matière d'environnement, de développement. Dans un village tout ce qui peut décider du bien-être ou du mal-être est à examiner avec le même soin que les grandes questions impliquant pays et continents car tout est lié. L'esthétique, la salubrité, le dialogue, la paix commencent à notre porte.
N. P.
Publié dans Le Giron n° 4 (avril 2003)