On sait que la belle Europe des légendes, fille d'Agénor roi de Phénicie fut enlevée par Zeus transformé en taureau et emmenée en Crète. L'histoire de notre continent et pas seulement son histoire mythique, se rattache à un premier héritage méditerranéen, hellénique et romain que le christianisme a nourri. L'Europe s'est construite à travers affrontements, guerres, traités, où pays, villes, villages, individus ont été partie prenante. Même si chacun d'entre nous n'est pas toujours conscient du rôle qu'il peut jouer dans des stratégies conduites dans les sphères gouvernementales, nous devons pour notre avenir et celui de nos enfants nous interroger sur une fédéralisation qui met chaque individu à l'intérieur d'une nouvelle géographie physique et mentale. Sans entrer dans toutes les problématiques économiques, juridiques, soulevées par l'élargissement de l'Europe qui accueille dix nouveaux États membres, l'individu moyen s'interroge avec bon sens sur des adhésions posant un problème réel, sur le bien fondé d'alliances apparemment pas si naturelles que cela ! À propos, par exemple, de la Turquie, plus asiatique qu'européenne, avec un gouvernement islamiste, des interrogations légitimes fusent un peu partout. Mais on peut aussi imaginer qu'une Turquie démocratique - la démocratie appliquée, exigée comme condition sine qua non - prônant un islam éclairé, serait une barrière, un bouclier contre les intégrismes de certains pays musulmans. La capitale Istanbul, autrefois Constantinople et plus anciennement Byzance, a toujours été en relation étroite avec les pays du pourtour de la Méditerranée, la Turquie, terre de très vieille civilisation, a fréquenté l'Europe, l'a conquise jusqu'à Vienne, en Autriche, et a laissé des traces de sa culture un peu partout. Au regard de l'histoire la plus ancienne, l'accès pacifique de la Turquie dans la communauté européenne n'a rien de choquant et pourrait jouer en faveur de la paix dans le monde.
Il n'y a pas de prise de décision concernant le citoyen qui soit mineure. La vie du pays c'est le monde, c'est l'Europe, c'est la France, c'est le village. C'est d'abord dans la vie autour de soi que la solidarité se fonde, dans des petites actions quotidiennes, une attention aux problèmes du voisin, une tolérance à sa différence. Gardons les yeux fixés sur l'avenir de ce petit territoire à gérer ensemble, dont il faut maintenir l'intégrité sans l'enclaver, préserver la spécificité rurale, qu'il faut protéger d'une urbanisation incontrôlée comme des pollutions consécutives à une course à la consommation. Car le développement est, on le sait, une arme à double tranchant. L'avenir harmonieux ne se réalisera que dans une gestion du quotidien, de l'échange amical des points de vue dans une vision généreuse, solidaire des autres, sans égoïsme, un vrai partage des idées. On appartient à ici et à là-bas, car avant que notre Europe n'existe, que les pays n'aient fait leur unité, les hommes se sont déplacés d'Est en Ouest, du Nord au Sud vice-versa, à pied, en chars, à cheval, sur tous les horizons. Que de qualités fallait-il cultiver alors, essentiellement la conscience d'une appartenance à la planète et à la race des hommes, la capacité de dépassement des problèmes personnels d'ego.
Puisse la belle Europe, fille de l'Asie, souvent violentée, meurtrie et pourtant vivante, symbole de l'histoire des peuples de la Méditerranée, être celle qui dans l'avenir renvoie au monde le visage de la paix.
N. P.
Publié dans Le Giron n° 6 (juillet 2004)