Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
25 août 2008 1 25 /08 /août /2008 17:34
                                                                                                                                            Photo C. P.

Sur la photographie murale de sa chambre, Lisbeth Meyer commence à marcher retenue par sa jolie maman. Elle a encore trois ans à connaître la douceur d’un foyer. Son père exerce le métier de policier. Sa mère s’occupe d’elle et de son frère aîné Lucien. La photographie de la mère souriante pérennise le souvenir du bon temps. Car elle la perdra très vite et sera élevée par sa tante en Alsace loin de son père et de son frère qui font partie de ces parisiens exilés d’Alsace depuis plusieurs générations. Elle parle donc alsacien quand elle est petite et apprend le français quand elle entre à l’école.

Aujourd’hui Lisbeth ne marche plus. On va la voir dans la pièce d’un rez-de-chaussée éclairé par une petite fenêtre, seule pièce de la maison où elle puisse se tenir car avec son fauteuil roulant elle n’a pas accès à l’étage. Cette femme courageuse clouée à son fauteuil par la sclérose en plaques est puygironnaise depuis les années soixante. Elle se souvient de l’ouverture du restaurant la Cigogne, le 1er août 1965, événement marquant pour le petit village découvert par la famille Meyer invitée par leurs amis Peson quelques années auparavant.

- Nous avons tous aimé le village, j’avais neuf ans la première fois que je suis venue. Le village était complètement différent, plus rural, il y avait les poules de la mère Mouillac, on entendait le coq, les vieux qui bavardaient assis sur les bancs, nous, les enfants on courait partout, on jouait à cache-cache dans les maïs…

Quand on lui demande si la restauration et l’hôtellerie étaient une vocation, elle s’en défend et avance l’autorité sans contestation possible de sa belle-mère, l’épouse de son père, qui décidait pour tout le monde. Certes, son père était fin cuisinier amateur et Lulu, son frère, avait fait une école de pâtisserie. On ne lui a pas tellement demandé son avis ni à elle ni à son frère. Tous se sont mis au travail. Labeur, fatigue, pour que l’affaire marche, personne ne s’écoutait. Et le commerce a bien marché grâce à l’énorme investissement de chacun.

- Combien de vedettes sont passées à la Cigogne, d’Evelyne Dhéliat à Adamo ! Même François Mitterrand est venu manger notre cuisine.

La vie a passé vite. Tôt levés, tard couchés, jours après jours les mêmes travaux, avec la satisfaction de l’accomplissement, d’une harmonie avec les villageois, les clients de passage qui revenaient, le bonheur que donnent aussi les animaux si chers à son coeur, Ralf, Olaf. Pas beaucoup de temps pour autre chose.

Lisbeth se souvient des deuils, la belle-mère, le père, Lucien, le frère si proche. Et puis la maladie est venue, insidieuse, la rendant de plus en plus dépendante. Les opérations, les cures se succèdent. Elle a toujours fait face sans se plaindre. Elle surprend tout le monde par sa bonne humeur, son courage. Les amis viennent lui donner un coup de main. Quand il fait beau elle roule son fauteuil jusqu’au Café la Cigale à quelques mètres pour bavarder avec Éliane et oublier qu’elle vit dans 25m2.

- J’ai une seule pièce pour manger, dormir, faire ma toilette, me tenir, alors que je possède un terrain de 2500m2 en bas de Puygiron. Pas moyen d’obtenir l’autorisation de construire. Mais je me bats, depuis sept ans ! J’ai bon espoir car je ne peux plus vivre dans ce trou sans lumière.

Comment ne pas comprendre son désir d’autant plus que la clause prétexte des bâtiments de France n’a guère été respectée autour du village et pour une fois une autorisation exceptionnelle serait tout à fait légitime. Lisbeth ne peut continuer à vivre comme elle le fait.

Le mépris des autorités qui tardent à donner leur aval à la construction d’une petite maison de plain-pied est inacceptable. En espérant des jours meilleurs, Lisbeth poursuit son combat contre le mal, et l’indifférence des fonctionnaires de l’État. Son chat Oscar a quinze ans, mais reste vert ! Il est son ami, ne la quitte pas.

Elle évoque les gens qu’elle aime, sa belle-soeur et les filles de Lucien, le bébé à naître, les amis. Elle est tournée vers les autres, optimiste, sans l’ombre d’une rancoeur vis-à-vis d’une vie qui a été dure et qui reste à affronter chaque jour de son fauteuil de malade. Exemplaire leçon de volonté, d’endurance, et de foi dans la vie à tout prix.

                                                                                             N. P.

Publié dans Le Giron n° 6 (juillet 2004)

Partager cet article
Repost0

commentaires

Le Giron

  • : legiron
  • : Ensemble d'informations, de textes et d'images publiés par un groupe d'habitants du village de Puygiron dans la Drôme.
  • Contact

L'association

                L'association "Le Giron" a été créée le 24 septembre 2001 et a mis fin à ses activités en juillet 2013. Elle avait pour objectif de favoriser la rencontre et le dialogue entre les habitants de la commune afin de réfléchir ensemble à l'évolution de leur cadre de vie.
       Au cours de ses douze ans d'existence elle a atteint ses objectifs, donnant la parole aux "anciens", pour sauvegarder la mémoire du passé et même temps ouvert un dialogue avec les idées porteuses d'un avenir ouvert sur l'humanisme, l'écologie, la protection de la Nature, et bien sûr "l'autre", celui qui existe au-delà des frontières de notre pays. Elle a publié vingt et un numéros du "Giron" distribués gratuitement sur le territoire de la commune de Puygiron et au-delà, créé une bibliothèque de prêt. "Le Giron a été déposé à la Bibliothèque nationale.
       Le blog du "Giron" continue et reste ouvert à la contribution de ses anciens animateurs pour que vive son esprit et sa philosophie.

Recherche

Le Giron, bulletin semestriel

Un bulletin pour quoi faire ? Pour se rassembler le temps d’une lecture, se dire qu’on fait partie d’un village et qu’on a des intérêts, des souvenirs, des projets communs. Pour donner envie aux gens de réfléchir à ce qui se passe autour d’eux, à parler à leur tour car seul le dialogue fait avancer le monde.

Le village perché de Puygiron

                                                               Aquarelle de Morice Viel

Belvédère de la Drôme provençale, situé sur un mamelon dominant le Jabron et la plaine de la Valdaine, offrant un très beau point de vue. Au hasard des ruelles, on admirera portes et fenêtres encadrées de pierres sculptées. Le premier village médiéval était situé à Saint-Bonnet, près du prieuré carolingien, sur le site d’une villa gallo-romaine. Ce premier village fut abandonné au XIIIe siècle et les habitants se réfugièrent sur « le puy » sous la protection du château.

Le château : construit fin XIIe / début XIIIe siècle, construction rectangulaire flanquée de quatre tours, l’une d’elles formant donjon. À proximité, la salle des gardes, avec une énorme cheminée et des voûtes retombant sur un énorme pilier central. Une cour intérieure avec une tour Renaissance hexagonale possédant une porte ogivale et escalier à vis. Le château a été classé monument historique en 1957.

L’église, de style roman, construite en 1867. La chapelle romane Saint-Bonnet : datée du XIIe siècle, église paroissiale jusqu’en 1770, elle présente une abside en demi-cercle voûtée en cul-de-four, un chœur surélevé, une nef unique de trois travées, un escalier à vis qui conduisait à un clocher aujourd’hui disparu. La pierre de Puygiron a été exploitée jusqu’en 1914.

Puygiron a eu son chantre, le félibre Morice Viel (1881 - 1929).

D'après Jeannine Laurent (Etudes drômoises, n° 3, année 2000, p. 41)

Pages