L'oppidum de Jastres (Ardèche)
Avant la conquête romaine, le territoire de l'actuel département de l'Ardèche était principalement occupé par les Helviens. Le chef-lieu primitif des Helviens pourrait avoir été l'oppidum, site fortifié antique, de Jastres, près de Lussas, sur le contrefort du Coiron, et stratégiquement situé sur un itinéraire important entre la vallée du Rhône et le Massif central. Ont été retrouvées d'ailleurs sur ce site, des poteries peintes et parfois sophistiquées témoignant de l'influence celte et grecque de cette ancienne peuplade. Deux sites archéologiques bien distincts se trouvent à Jastres : Jastres Nord et Jastres... Sud ! Le rempart de Jastres-Nord a été dégagé grâce à des campagnes de fouilles archéologiques entreprises en 1974 par l'équipe de Claude Lefebvre. La hauteur du rempart dépasse encore quatre mètres au point le plus élevé. Ce site fortifié avait pour but la protection des Helviens contre les envahisseurs. Un troisième rempart (état actuel) a été construit à la fin du Ier siècle avant notre ère et s'adosse au deuxième, constituant un large mur. Il est caractérisé par une alternance de tours rondes et de tours carrées ainsi que par un dispositif en chicane pour défendre l'entrée. Il protégeait un habitat permanent, de type urbain. La ville fortifiée a pourtant été abandonnée peu après, au début du 1er siècle de notre ère, à l'époque de la fondation d'Alba, au moment où l'évidence de la paix romaine explique l'abandon des sites fortifiés de hauteur.
Sur le site de Jastres Sud, les céramiques trouvées sont des poteries plutôt destinées au stockage. Il semble donc que ce site n'était pas un lieu d'habitation mais surtout de marchés ou de commerces. Ce site comprend aussi une longue muraille de 950 mètres avec deux ouvertures correspondant à des portes. Ces deux places fortes existaient lors de l'insurrection conduite par Vercingétorix et l'on peut se laisser aller à imaginer que, en 54 av. J.C., le plateau de Jastres a servi de lieu de cantonnement à des unités des légions de Jules César en route pour rejoindre Gergovie (près de l'actuelle Clermont-Ferrand). Plusieurs sites sont pressentis pour avoir été des lieux d'exploitations viticoles dans cette région comme en témoigne l'existence de caves romaines à Alba et des dolia (très grandes amphores) retrouvées sur différents sites. M. Lopez nous a, après cet exposé, invité à déguster du vin romain, provenant du mas des Tourelles de Beaucaire, centre de recherche sur la viticulture et la vinification dans l'Antiquité romaine. Avec beaucoup de curiosité, nous avons goûté à deux vins : le Turriculae et le Mulsum.
Le Turriculae, issu de raisins blancs, est vinifié dans les dolia de 400 litres de la cave gallo-romaine des Tourelles. Ainsi, une fois les grappes foulées, les rafles et leurs peaux sont mises dans la cage du pressoir pour y être pressées. Les dolia sont ensuite remplis du moût récolté. Des plantes comme le fenugrec, l'iris, ou plus surprenant encore, l'ajout d'eau de mer, ne sont pas étrangers à l'originalité de ce vin. Nous avons tous été surpris par son astringence à la première gorgée et avons décelé une forte saveur ressemblant à celle du curry !
Le vin rouge Mulsum est aromatisé avec du miel toutes fleurs, bien identifiable lors de la dégustation et une cinquantaine d'épices indiquées par les différents textes latins.
Nous avons goûté aussi au Defrutum (jus de raisin concentré) qui permettait de sucrer certaines préparations romaines. Dilué dans un peu d'eau, comme un sirop, il m'a fait penser à l'antésite de mon enfance... Cette dégustation a été un moment très sympathique de découvertes et de partage de sensations, clôturant une conférence fort intéressante. Merci Damien pour ce vendredi soir différent et enrichissant !
D. R.
Publié dans Le Giron n° 14 (juillet 2008)