La promenade depuis le village de Puygiron jusqu'au pont de la Cabanette est un des trajets préférés des Puygironnais. La source qui alimente le ruisseau, bien cachée dans les herbes et les pierres, dans le creux du val, est fraîche, les chiens s'y baignent, une énorme couleuvre se dore sur un grand galet plat. On continue, sur la gauche, par un chemin aboutissant à un cul de sac. On passe devant la maison de Jean Noyer, le père. Des poules picorent dans le champ attenant, deux chevaux de labour lèvent la tête au passage. On continue jusqu'à la nouvelle maison de son fils et de la compagne de celui-ci, Jérôme Noyer et Florence Condette.
Ils vivent là, avec leurs trois filles, dans un espace protégé des regards, des voitures, dans une jolie maison qu'ils ont reconstruite, au milieu de leurs terres, 14 hectares qu'ils font fructifier selon les règles de l'agriculture biologique. Un joli nom pour ce lieu prédestiné : Le Poulet.
L'agriculture est incontournable, nous dit Jérôme, nous sommes les enfants de l'agriculture, même si nos parents ont aussi pratiqué d'autres métiers. Le grand'père, Jules, a été facteur à Puygiron, mais cela c'est une autre histoire. "On vient de la terre. Et il y a onze ans que nous sommes là".
Jérôme et Florence se sont connus pendant leurs études, au Lycée Agricole d'Aubenas. Ils ne se sont plus quittés. Certes, Jérôme, de nature curieuse, a souhaité voir d'autres régions, s'exercer dans d'autres disciplines, toujours liées à la nature, comme le métier de moniteur de canoë kayak… Plus tard, de grands voyages, dont un en Mauritanie où il découvrira l'aberration de la politique agricole internationale.
Tous deux vivaient déjà de manière écologique, si l'on peut dire, n'avaient pas une attitude de consommateurs et quand ils se sont installés chez eux, pour cultiver la terre, ils ont naturellement appliqué les règles de l'éthique qui dirigeait leur vie : "Réussir à vivre bien de notre travail mais avec des besoins que nous savons limiter".
Agriculture biologique à cent pour cent : pas d'arrosage avec l'eau du Rhône qui est polluée, pas d'engrais. Un puits. Sur les 14 hectares, deux sont destinés à la production de légumes, des choux, des carottes, des pommes de terre des tomates… les autres à celle du fourrage pour les chevaux, du blé pour la consommation, de l'orge, du soja, du colza pour l'huile…
Il est évident que la méthode que nous appliquons en agriculture correspond à un choix de vie. De la même façon que nous ne nous alignons pas sur la surconsommation nous refusons la mécanisation à outrance, ne comptons pas sur des aides de l'État qui, de toute façon, sont indexées sur le rendement. Actuellement, si on veut produire beaucoup il faut au moins posséder cinquante hectares. Tout coûte très cher, les machines par exemple.
La politique des États doit changer. Il faut des mesures nouvelles. Avant tout il faut maintenir les agriculteurs sur les terres, donc aider l'installation des jeunes et au maintien des moins jeunes. Au lieu d'aider les exploitations qui ont un gros rendement, soutenir les exploitations qui ont des difficultés.
La jachère est aberrante ! Les terres, il les faut toutes! Le secteur est délaissé alors qu'il pourrait y avoir création d'emplois.
Et la surproduction ? Les carcasses de poulet qu'on envoie au Sénégal pour s'en débarrasser. Les Sénégalais n'en ont pas besoin… Les chalutiers japonais qui écument les côtes de Mauritanie…
Avec le résultat des élections on peut espérer que cela bouge.
Jérôme et Florence, se regroupant avec des agriculteurs biologiques ont créé une SARL de 17 associés, "Au plus pré".
Situé à La Laupie, "Au plus pré" est un magasin offrant des produits bio de qualité, viandes, fromages, produits régionaux, légumes et fruits de saison… Les prix sont équivalents à ceux des produits "non bio" vendus en grande surface. C'est leur victoire sur le marché.
"On n'a pas envie de s'agrandir. Le magasin a créé un emploi et demi. On espère que d'autres agriculteurs suivront notre exemple."
Florence, après avoir travaillé comme technicienne agricole, s'est découvert une passion pour la poterie. Elle a son atelier qui jouxte la maison. Elle fabrique de la vaisselle utilitaire, en terre vernissée, fine, avec un décor floral élégant, que l'on peut acheter chez elle, ou dans des boutiques. A Dieulefit dans le magasin "Yves de Provence", à "La Girouette" à Crest, à "Gromol" à Tournon. Sa recherche graphique est particulièrement orientée sur l'écriture, la calligraphie, l'arabesque, aboutissant parfois à la création de tableaux en céramique, abstraits, très originaux. Présente sur les marchés de potiers régionaux, Florence prend aussi sa part dans les activités agricoles. Maison, enfants, atelier… sa vie est pleine, comme celle de Jérôme, vies orientées vers un bel avenir pour eux, leurs enfants, la planète.
N. P.
Publié dans le Giron n° 16 (juillet 2009)