L’usage des pesticides a participé, depuis une cinquantaine d’années, au formidable essor des productions agricoles françaises. Cependant, il est maintenant reconnu que la plupart des milieux (air, eau et sol) sont contaminés, et les conséquences environnementales de ces contaminations sont encore difficiles à évaluer (en France tous les sols agricoles sont contaminés à un faible niveau). La présence de ces polluants peut engendrer divers effets sur les écosystèmes et la santé humaine en diffusant des eaux de surface et souterraines vers les plantes, les animaux et in fine l’Homme. Du fait de ces possibles impacts sur la santé humaine, le Ministère de l’Agriculture, et plus largement l’Europe, a lancé en 2007 un plan de réduction de 50% de l’usage des pesticides d’ici 2018 (Plan EcoPhyto 2018). Plus d’une centaine de chercheurs et experts issus de divers organismes (Université, INRA, Chambres d’Agriculture…) sont impliqués. Ce plan s’appuiesur diverses actions telles que agir sur les pratiques agricoles pour minimiser le recours aux pesticides et améliorer la connaissance des impacts sanitaires et environnementaux de ces produits. Bien que l’arboriculture fruitière ne représente que 1% de la surface agricole utile en France, 21% des pesticides y sont appliqués. Le Sud-Est, représente la première région fruitière de France. Aujourd’hui, le secteur de l’arboriculture connaît une crise qui s’aggrave depuis 2005. Parmi les raisons de cette crise, on compte l’apparition de résistances chez les ravageurs, des troubles de la reproduction chez les oiseaux, le déclin des abeilles et l’apparition d’impacts sur la santé humaine. En particulier la santé des agriculteurs suscitent de vives interrogations depuis qu’une étude épidémiologique a établi en 2009 un lien entre la survenue de la maladie de Parkinson et la durée d’exposition aux pesticides.
Réduire de 50% l’usage des pesticides signifie changer de système de production. Actuellement 3 pratiques culturales sont utilisées : l’agriculture conventionnelle (traitements chimiques systématiques et préventifs), l’agriculture raisonnée (limitation des traitements en introduisant des méthodes de luttes biologiques ou de confusion sexuelle pour lutter contre le papillon ravageur des pommiers) et l’agriculture biologique (aucun intrant chimique). Dans les vergers, l’abondance et la diversité des oiseaux sont trois fois plus élevées en AB qu’en protection conventionnelle, l’agriculture raisonnée étant intermédiaire. Ce rapport s’accentue si on ne considère que les oiseaux insectivores, pour lesquels les vergers AB semblent constituer un habitat aussi favorable que les milieux naturels non perturbés. La diminution des populations d’oiseaux dans les vergers chimiques est essentiellement liée à un fort taux d’abandon des nids par manque de nourriture. Parallèlement, le déclin des abeilles ne peut être attribué aux seuls systèmes de protection des cultures. En particulier, on sait que l’immunité des abeilles augmente avec la diversité des espèces végétales butinées. Il devient donc nécessaire de développer des systèmes de jachères fleuries qui favorisent la diversification des espèces végétales.
Faire évoluer l’agriculture conventionnelle vers l’agriculture raisonnée permettrait une réduction des pesticides de seulement 6 % en arboriculture (contre 35 % en grandes cultures). D’autres systèmes de culture doivent donc être développés. Les aménagements paysagers comme la mosaïque de cultures et les haies brise-vents améliorent la biodiversité animale. Le maintien et la diversification végétale des haies brise-vent présentent donc un fort intérêt agronomique et environnemental. Résoudre l’énigme, c’est trouver le moyen de favoriser les propres capacités de défense et d’autorégulation des milieux.
Magali Rault, INRA, Avignon