Normes environnementales de plus en plus contraignantes pour l’industrie chimique, limitation des rejets à l’échappement des véhicules roulants (normes Euro V, VI), commercialisation de véhicules hybrides, électriques, à hydrure de magnésium libérateur d’hydrogène… Nombreuses sont les annonces tout aussi tonitruantes qu’hypothétiques mais aussi les exemples concrets de réalisation visant à limiter le niveau de pollution atmosphérique d’origine anthropique, principalement vis-à-vis du dioxyde de carbone, le gaz « star » du moment, mais plus généralement de l’ensemble des polluants gazeux (oxydes d’azote, dioxyde de soufre, ozone…) et particulaires (PM10…). Il ne fait maintenant plus aucun doute que l’exposition chronique à la pollution atmosphérique peut avoir des effets délétères sur la santé humaine. L’observation de la concomitance de l’épisode exceptionnel de pollution à Londres en 1952 et d’une surmortalité marquée au sein de la population exposée a été faite au moment même de sa survenue. De même, au-delà des épisodes exceptionnels où les niveaux de pollution atteignent des valeurs extrêmement élevées, l’existence de liens entre les niveaux de pollution atmosphérique couramment rencontrés dans les agglomérations occidentales et la santé a été montrée par de nombreuses études réalisées depuis les années 1990 (1). Parmi les effets sanitaires étudiés, ceux affectant l’appareil respiratoire ont fait l’objet d’une attention particulière, celui-ci étant le premier au contact avec les polluants atmosphériques. Cependant, les études tant toxicologiques qu’épidémiologiques ont rapidement conduit à porter l’attention sur les effets de la pollution atmosphérique sur l’appareil cardiovasculaire. Aujourd’hui, de nombreux éléments convergent pour montrer l’existence d’effets de la pollution atmosphérique, ou au moins de certains polluants, sur la santé cardiovasculaire (2) (3). D’une part, les études expérimentales, toxicologiques, ont permis de déchiffrer les mécanismes d’action des polluants atmosphériques sur la physiologie cardiovasculaire. D’autre part, les études épidémiologiques ont permis de mettre en évidence l’existence de liens significatifs entre les niveaux de pollution atmosphérique et la survenue de maladies cardiovasculaires, tant à court terme (quelques jours au plus après l’exposition) que suite à des expositions chroniques (1). Les deux catégories non exclusives de mécanismes biologiques faisant consensus à l’heure actuelle pour expliquer l’association entre exposition aux polluants atmosphériques et risque cardiovasculaire concernent le stress oxydant et l’inflammation d’une part, et d’autre part, le contrôle nerveux autonome du coeur (1).
En ce qui concerne le stress oxydant et l’inflammation, les polluants inhalés provoqueraient des réactions inflammatoires au niveau des poumons et induiraient une production excessive de radicaux libres (« stress oxydant »). Cet ensemble de réactions aboutirait notamment à l’augmentation du risque de thrombose (formation d'un caillot de sang au sein d'une veine entravant la circulation sanguine). Ces mécanismes sont tout à fait cohérents avec la plus grande sensibilité des personnes âgées aux effets cardiovasculaires de la pollution atmosphérique, le vieillissement s’accompagnant de façon générale d’une diminution des défenses antioxydantes.
En ce qui concerne le contrôle nerveux autonome du coeur, l’inhalation de certains polluants, notamment particulaires, pourrait entraîner une modification du système nerveux autonome via l’interaction directe des polluants avec des récepteurs situés dans les poumons. D’autre part, la réponse inflammatoire déclenchée par l’inhalation de polluants serait à même de stimuler le système nerveux autonome, engendrant ainsi une modification de l’activité électrique du coeur se traduisant par exemple par une augmentation de la fréquence cardiaque et une diminution de sa variabilité. Les données ci-dessus, reposant sur le travail remarquable de centaines de chercheurs, d’universitaires, doivent nous interpeller au-delà des seuls aspects médicaux et scientifiques.
Nos modes de vie, de production, de déplacement, bref, l’organisation de nos sociétés engendrent des perturbations importantes de notre environnement au sens large du terme, dont nous commençons à peine à mesurer l’étendue et les conséquences. Ces perturbations ont dans de nombreux domaines de la santé, des répercutions délétères sur les humains, qui font partie intégrante de l’environnement. L’association entre risque cardiovasculaire et pollution atmosphérique n’est qu’un exemple révélateur. Il est temps d’agir ! La réduction concrète du niveau de pollution atmosphérique, passant nécessairement par une refonte profonde de nos modes de déplacement, de production, de chauffage… n’est pas une idée farfelue, une utopie voulue par quelques illuminés rabat-joie mais un besoin, une nécessité objective reposant sur des données fiables et précises ayant attrait à la préservation de notre santé à tous. En un mot, du BON SENS.
Pour terminer sur une note plus légère, il est bon de noter que des réseaux de surveillance de la qualité de l’air répondant à la nécessité de métrologie initiée par la loi sur l’air de 1996, fournissent des informations actualisées et accessibles au plus grand nombre sur les principaux polluants atmosphériques indicateurs. Ces 38 associations sont regroupées sous forme d’Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA), dont ATMO Drôme Ardèche (anciennement ASQUADRA) à en charge la surveillance de l’air des départements Drôme et Ardèche. N’hésitez pas à consulter les données mises à jour (4).
Damien Arnoux
(1) : A. Lefranc et al, pollution atmosphérique et maladies cardiovasculaires : éléments apportés par le programme de surveillance air et santé, Archives de Maladies Professionnelles et de l’Environnement, 70 (2009), 337-338, Elsevier Masson.
(2) : Bell M.L., Davis D.L. Reassessment of the lethal London fog of 1952: novel indicators of acute and chronic consequences of acute exposure toair pollution Environ Health Perspect 2001 109 (Suppl 3) : 389-394.
(3) : Brook R.D., Franklin B., Cascio W., et al. Air pollution and cardiovascular disease: a statement for healthcare professionals from the Expert Panel on Population and Prevention Science of the American Heart Association Circulation 2004; 109.
(4):http://www.atmo-rhonealpes.org/site/accueil/monaccueil/all#Article/extraire/mesurer_surveiller