Si tu veux être heureux une heure, enivre-toi,
Si tu veux être heureux un jour, tue ton cochon,
Si tu veux être heureux une semaine, fais un beau voyage,
Si tu veux être heureux un an, marie-toi,
Si tu veux être heureux toute ta vie, fais-toi jardinier.
À Puygiron, chaque famille avait son jardin potager sur les terrains autour du village ou attenant à la ferme pour les plus chanceux. Leur surface était variable suivant l'importance de la ferme... et selon le courage du propriétaire !
Au village, Benjamin Laurent (maison de la famille Ver) possédait une vigne plein Sud à proximité de la carrière et quelques terres au Levant. Il travaillait avec son âne. Parfois son épouse venait l'aider à pousser la charrette dans la montée de la croix quand l'âne ne pouvait plus la gravir. Le curé avait un jardin potager sous le village vers les jeux d'enfants. C'est le mari de Jeanne qui allait le bêcher. Le boulanger, M. Mouillac avait aussi le sien sur le terrain de M. Chanzy. On le voyait y travailler tous les après-midi après la sieste. Son épouse, Mme Mouillac allait dans son jardin au Portalet. Personne n'avait intérêt à la déranger à ce moment-là pour lui demander du pain !!! Lucien Mouillac, le père de l'institutrice, cultivait quatre lopins différents ! Un à l'emplacement du terrain de M. Ragel, ses légumes à feuilles sur le terrain de M. Roux et un immense jardin sur le terrain de Mme Thévenet. Le quatrième, jardin d'ornement, se situait au Nord de la propriété Brunel.
À la ferme, c'étaient généralement les anciens ou les femmes qui s'occupaient du jardin. On travaillait tout à la bêche : il n'y avait pas de motoculteur et l'on n'utilisait pas d'engrais mais du fumier. C'était bien sûr de la culture bio avant que le terme n'existe encore.
Pour l'arrosage, on allait tirer l'eau avec l'arrosoir des puits du village et du bassin ou de la citerne des fermes. Dans le vieux village, presque toutes les maisons avaient un puits. Même s'il est en hauteur, il y a toujours eu de l'eau au village. Au Couchant, c'était l'abondance dans les jardins car on se servait de l'eau des canaux en enlevant les planches de retenue. Les canaux, alimentés par le Jabron, partaient du « verger Cambiano » et allaient jusqu'à l'usine Lacroix en passant par le « Moulin vieux ».
Ces jardins étaient un apport important pour la famille. Les repas étaient en général à base de légumes : carottes, navets, céleris, potirons, concombres, cornichons, courgettes... La soupe du soir mijotait dans une grande marmite en fonte pendue à la crémaillère dans la cheminée. On l'agrémentait de pain ou d'une tranche de lard.
En novembre, on semait les petits pois « A la Sainte Cécile, les petits pois en font mille », (le 22 novembre) et l'ail. On resemait parfois encore des petits pois en mars. Les haricots s'ensemençaient à la Saint-Joseph, soit le 19 mars. Les graines de laitues et de radis étaient mélangées et semées à la volée sur le même carré de terre. Les radis arrivaient à maturité en 20 à 25 jours. On les arrachait en laissant les semis de laitue. On préparait les semis de poireaux ou de tomates, dans des caisses avec du terreau que l'on laissait sous une vitre au soleil en guise de serre.
On repiquait ensuite les semis. On n'allait pas acheter des petits sachets de graines de salade, mais on laissait « monter » une salade pour qu'elle puisse donner des graines que l'on récoltait pour les prochaines semences.
L'hiver, la frisée et la scarole ne craignaient pas le gel. En Ardèche, Jeanne se souvient que l'on protégeait les plans sous des planches avec de la paille. On « paillait » les cardons et les céleris sous des vieux sacs. On gardait les pommes de terre, l'ail et les oignons toute l'année dans la cave, à l'abri de la lumière et de la chaleur pour ne pas qu'ils germent. Dans les jardins, il n'y avait pas beaucoup de fleurs. Les hommes n'étaient pas fleuristes... Ils repiquaient parfois quelques chrysanthèmes. Cependant, certains se souviennent des beaux dahlias et reines-marguerites de M. Dumas (et de ses asperges exquises aussi.)
Merci encore à vous, Jeanne et Pierre, pour votre gentillesse et votre disponibilité. À très bientôt !
D. R.
Publié dans Le Giron n° 13 (janvier 2008)