Pâques était une des fêtes religieuses les plus importantes et tous les paroissiens y étaient plus ou moins impliqués. Une semaine avant, c’était le dimanche des Rameaux. Le curé, au début de la messe, bénissait par famille, un rameau, en principe d’olivier. À Puygiron, faute d’olivier, c’était un rameau de buis qui était ensuite accroché dans la maison. Cette cérémonie existe encore. À la boulangerie, se vendaient des branches de buis sur lesquelles pendaient des pâtes de fruits. Les enfants en raffolaient ! La semaine suivant le dimanche des Rameaux était consacrée à la préparation des fêtes de Pâques et aux confessions.
On ne faisait pas la lessive pour se consacrer aux prières. D’abord, les jeunes filles et les femmes allaient se confesser le Jeudi Saint et cela prenait du temps… Avaient-elles plus à dire ? Les hommes aussi avaient leur jour de confession, le samedi, mais ils venaient moins nombreux…
Le dimanche de Pâques était vraiment une fête religieuse. Avant huit heures, il y avait une messe de communion, où l’on devait se rendre à jeun. On y rencontrait surtout les femmes, gardiennes de la religion. On prenait ensuite un petit casse-croûte, avant de se rendre à la grande et longue messe solennelle de Pâques vers dix heures trente. On ne communiait pas à la grande messe de Pâques qui était déjà très longue. Et l’après-midi, on allait « aux Vêpres ». À la grand’messe, le prêtre portait ses plus beaux ornements et officiait face à l’autel, tournant le dos aux paroissiens. Il y avait ce jour-là plusieurs enfants de chœur, des garçons vêtus d’un étole blanc et d’une soutane rouge... Derrière l’autel, les hommes répondaient en latin au curé. Autour de l’harmonium, chantaient femmes et jeunes filles. On se souvient de Madame Aymard, puis de Madame Dubourg accompagnant les cantiques à l’harmonium.
Les enfants étaient assis sur les premiers bancs et n’étaient pas dissipés comme aujourd’hui... À gauche de l’autel, dans la chapelle, se tenait la famille de Pontcharra qui entraient par la petite porte du clocher.
Chaque famille louait à l’année son banc dans l’église, qui était le plus souvent marqué à son nom.
Chacun avait donc sa place et gare au visiteur qui s’y installait par mégarde ! À Puygiron, vers les années 50, le Père Rouchon, quelque peu « révolutionnaire », avait voulu moderniser son église, et avait mélangé tous les bancs en les plaçant au milieu de l’église. Cela ne plut guère à tout le monde et l’essai ne dura qu’un temps… (moins d’une année, à ce que l’on dit… !). On se souvient aussi du froid dans l’église. On glissait dans ses poches avant de s’y rendre des petites pierres chaudes sorties du poêle, pour se réchauffer les mains. Ou on plaçait sous sa grande jupe une chaufferette, petite boîte métallique contenant des braises.
Les enfants étaient préparés au catéchisme. Les jours d’école, les enfants avaient « caté » dans l’église à 11h. 30. Ils apprenaient les prières : « Notre Père », « Je vous salue Marie », « Je crois en Dieu », l’acte de contrition… Ils se préparaient aux communions et confirmation. Pendant le mois de mai, mois de Marie, on disait ses prières tous les jours. Vers 9-10 ans, les enfants faisaient la « petite » communion et pouvaient se confesser et communier. Les enfants allaient se confesser avec les femmes. La confession était très angoissante… Le plus petit péché paraissait bien gros… Comment s’y retrouver sur les péchés véniels ? Le Jeudi Saint, le Père Rouchon réunissait douze enfants, correspondant au nombre des apôtres, et leur passait de l’eau sur les pieds. Certains s’en souviennent avec émotion…
On se rappelle aussi qu’à Puygiron, il y avait deux écoles : l’école libre et l’école laïque. L’école laïque se trouve toujours à la même place. L’école libre se situait dans la maison voisine de l’école laïque, celle de Monsieur Bentley, appelée encore « la maison de Tante Marie ». Juste un mur séparait les deux écoles. L’école privée disparut au tout début du siècle dernier.
C’est à Pâques, marquant aussi le début du printemps, que femmes et demoiselles étrennaient leur toilette d’été, robes colorées et fleuries. Les jeunes filles aimaient le vichy. À Puygiron, on faisait faire sa robe par Georgette Crumière, qui habitait au levant, au bord du Jabron. Plus tard, c’était Henria Chaix la couturière de Puygiron. Il fallait se rendre à l’église, tête et bras couverts. Les femmes portaient un chapeau de paille, avec quelques fleurs ou cerises. Cependant, les femmes à partir de 40 ans étaient très souvent habillées en noir ou en gris. L’âge avançant et perdant un parent, elles portaient le deuil. Et les périodes de deuil se succédaient sans fin… Monette Viel se souvient avoir longtemps porté une petite voilette noire pour aller à l’église, à la suite du décès de son papa.
Aujourd’hui encore, le dimanche de Pâques est une des journées d’affluence à l’église, et même si les bancs ne portent plus le nom de leurs propriétaires, les grandes familles puygironnaises s’y retrouvent avec plaisir, avant de déguster l’agneau pascal.
Je ne remercierai jamais assez les anciens de Puygiron qui nous font partager tous leurs souvenirs et me font passer à chaque fois un moment délicieux pendant lequel rires et émotions se succèdent… Merci à vous tous !
D. R.
Publié dans Le Giron n° 10 (juillet 2006)